Gagner du temps ?

Gagner du temps ?

 

Quand on préparait tout à l’heure, Philippe qui a lu le livre me demandait comment m’était venue cette idée sur le temps. Alors je racontais qu’à l’âge de douze ans, j’ai été hospitalisé et je souffrais beaucoup, j’avais des perfusions, je ne pouvais pas bouger. Et ma chambre était à côté de l’horloge de l’hôpital qui sonnait tous les quarts d’heure. Donc j’ai passé plusieurs nuits à attendre, comme dit Marcel Proust, le levé du jour et j’avais l’impression qu’il ne viendrait jamais.

Et à ce moment-là, j’ai pensé que j’étais prisonnier du temps. Ou plutôt que le fait que je souffrais c’était que j’étais prisonnier du temps et donc que le temps était mon ennemi. Et je me suis fait cette réflexion – j’avais du temps pour réfléchir – que le temps était mon ennemi mais qu’il pouvait être aussi mon ami. Et comme je vivais avec lui, il valait mieux vivre avec son ami qu’avec son ennemi. Donc je me suis tout simplement posé la question dès l’adolescence : comment faire en sorte que le temps soit moins mon ennemi et davantage mon ami. Voilà d’où me sont venues ces réflexions dont j’ai fait deux livres par la suite.

Et c’est vrai que je refuse assez systématiquement de me presser et de faire les choses vite. Je n’ai pas le temps de faire les choses vite.

- C’est le contrepied par rapport à la tendance d’aujourd’hui ? Que vous avez choisi.

- Oui, c’est apparemment un paradoxe, mais je pense que c’est en allant vite que l’on passe à côté du sens des choses. Et ceci aussi bien dans nos relations personnelles que dans notre rapport au savoir, au contenu, à l’information. Il n’y a pas d’expression qui m’agace plus que cette idée de gagner du temps, voire de gérer son temps. Quand on dit qu’on va gagner du temps ou qu’on va gérer son temps, on transpose à l’univers du temps des concepts qui viennent de l’économie. On gère l’argent et on gagne de l’argent. Mais il y a une différence fondamentale entre le temps et l’argent, c’est que l’argent se stocke et pas le temps.

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