Accepter la communication

 

Accepter la communication

Alors pour ce qui est de la communication, je voudrais vous raconter une histoire qui est arrivée au psychothérapeute Milton Erickson, l’inventeur des thérapies courtes et qui avait des résultats absolument étonnants au cours de ses thérapies.

Un jour, une jeune fille vient le voir et lui dit : « Voilà, je suis désespérée et j’ai décidé de me suicider. Mais comme on m’a dit que vous étiez un thérapeute hors du commun, eh bien j’ai décidé de prendre trois mois avant de me suicider et pendant trois mois de faire une thérapie avec vous. » Alors, dans cette définition du réel, si quelqu’un vous dit : « Je veux me suicider », je dirais qu’obéir à cette réalité c’est essayer de le convaincre de ne pas le faire. Et c’est justement ce que ne va pas faire Milton Erickson. Il lui dit : « Bon, très bien. Donc pendant trois mois vous faites ce que je vous demande. » Et il constate que cette jeune fille est mal coiffée, mal fagotée, etc. Il dit : « Bon, écoutez, vous allez aller dans tel magasin – le plus cher de la ville, ça se passe à Phénix en Arizona – et acheter tous les vêtements qu’on vous conseillera, que vous conseillera la vendeuse. » Elle dit : « Oui, mais ça va me coûter très cher. » Il dit : « Oui, mais puisque vous vous suicidez dans trois mois, ça n’a pas d’importance. » Ah oui, ça c’est logique.

Donc elle le fait et la fois suivante elle revient bien habillée. Il remarque qu’elle est mal coiffée et il lui dit : « Vous allez aller chez le coiffeur le plus cher de la ville et faire ce qu’on vous dira : manucure, maquillage, coiffure, etc. – Ça va me coûter un argent fou. – Certes, mais puisque vous vous suicidez bientôt, ça n’a aucune importance. – D’accord. » Et puis là elle revient, la troisième fois, elle est bien habillée, bien coiffée. Elle a déjà un peu plus d’attrait et il lui dit : « Mais pourquoi vous ne souriez jamais ? » Elle dit : « Ne m’en parlez pas, je ne peux pas sourire parce que j’ai les dents écartées et donc c’est moche, j’ai un vilain sourire. » Il lui dit : « Bon, puisque vous avez les dents écartées, vous allez vous entraîner à envoyer des jets d’eau dans votre salle de bain. » Elle dit : « C’est idiot. – Oui bien sûr c’est idiot mais puisque vous vous suicidez bientôt, vous avez bien de droit de faire des choses idiotes. » Et elle apprend à faire ça. Et là, elle lui raconte une histoire, la fois suivante. Une histoire extraordinaire. Elle lui dit : « Figurez-vous que depuis quelques temps, chaque fois que je vais chercher de l’eau à la machine à eau, il y a un jeune homme que je croise tout le temps. » Alors effectivement, ça c’est une histoire stupéfiante ; jamais l’histoire de l’humanité n’a vu chose aussi étonnante. Il lui dit : « Ah ben oui, ça c’est extrêmement étonnant. » Et alors ? Elle voudrait bien sourire mais bon… II lui dit : « Bon eh bien puisque vous n’arrivez pas à sourire à ce garçon, je vous propose la chose suivante. La fois suivante, vous mettez de l’eau dans votre bouche et comme vous êtes entraînée à envoyer des jets d’eau, vous lui envoyez un jet d’eau dans la figure. » Elle dit : « Enfin, vous ne vous rendez pas compte, je risque ma place. – Oui, oui, bien sûr, mais puisque vous allez bientôt vous suicider, ce n’est pas grave. » Et la fois suivante, il dit : « Alors vous l’avez fait ? – Oui. – Bon très bien. Et qu’est-ce qui s’est passé. – Eh bien je suis  partie en courant mais le lendemain figurez-vous qu’il m’attendait avec un pistolet à eau. Et il m’a arrosée avec un pistolet à eau. – Oui, et alors ? – Eh bien là je suis partie en courant moins vite, ce qui lui a permis de m’inviter à dîner. – Ah bon. » Et vous devinez la suite de l’histoire, un an plus tard il recevait le faire-part de naissance du premier enfant de la demoiselle qui avait convolé en justes noces. Et de suicide, il ne fut plus question.

Alors, qu’est-ce qu’il y a dans cette histoire ? Il y a une capacité à changer l’autre par une désobéissance réelle qui se masque sous une obéissance apparente. Je veux dire quoi ? Je veux dire qu’en général, quand nous voulons changer les autres, nous communiquons. Nous essayons de les persuader. Ce qui est désobéir à leur relation au réel mais ne permet pas d’entrer en relation donc de les influencer. Donc pas de possibilité de désobéissance réelle. La désobéissance n’est que formelle.

Milton Erickson avait un principe de base. Il disait : « Pour changer quelqu’un, il faut entrer en relation. » Si vous n’entrez pas en relation avec la personne, vous ne la changez pas. Pour entrer en relation, il ne faut jamais nier la représentation de l’autre. Quoi que les personnes me disent sur elles, je l’accepte. Elles me disent qu’elles veulent se suicider dans trois mois : très bien. Je ne discute pas de ça. Non seulement je n’en discute pas mais j’en fais le pivot de ma thérapie. Tout ce qu’il lui demandait était fondé sur l’idée que ça n’avait pas d’importance puisqu’elle allait se suicider dans trois mois. Ce qui lui permet d’entrer en relation avec la personne et ce qui lui permet, bien sûr, de la faire désobéir à elle-même. C’est-à-dire de la changer.

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