Crise : quelle crise ?

Crise : quelle crise ?

Bonjour les stratèges et les autres. Alors aujourd’hui je vais faire quelque chose de pas très convenable, c’est de parler d’un autre sujet que le changement climatique et l’égalité hommes – femmes qui comme vous savez sont les deux sujets exclusifs qui occupent les discussions et les médias. En fait, j’ai quand même une excuse parce que quand ils ne traitent pas de ces deux sujets, ils en traitent un troisième, qui est la crise. Ça c’est le sujet qui m’intéresse. Nous sommes en crise.

Alors il y a quelque chose qui m’interpelle, si vous voulez, dans ce sujet de la crise, c’est que maintenant j’ai soixante-trois ans et en 1971, j’étais en classe de troisième, j’avais proposé à ma professeure d’histoire – géographie de lui faire un exposé sur la crise économique actuelle. Bien entendu, il n’était pas douteux, ni pour cette professeure, ni pour moi, ni pour personne que nous vivions une crise économique. Hein, 71 c’est quand même l’année où Nixon a décroché le dollar de l’or. En fait et depuis, chaque année on parlait de la crise. Alors aujourd’hui bien sûr, 71 c’est les Trente Glorieuses donc on a oublié qu’on le vivait comme une crise. On dit maintenant : les années Quatre-Vingt c’était formidable, on oublie que l’émission « Vive la Crise » avec Yves Montand c’était en 1985. Donc les années Quatre-Vingt que a posteriori on décrit comme des années prospères, des années fric, etc., c’était vécu comme la crise. Les années Quatre-Vingt-Dix n’en parlons pas. Bref, j’ai toujours, depuis l’année 1971 où je m’intéresse à l’économie, entendu parler de crise. Mais d’ailleurs si on remonte on s’aperçoit que tout le xixe siècle ne parlait que de crise et tout le xxe siècle aussi. Autrement dit, le discours sur la crise est permanent. Ce qui est paradoxal puisque le terme crise introduit une idée de discontinuité, quelque chose qui est de l’ordre de différent de la norme et de bref. Et une discontinuité qui continue pendant plusieurs siècles, c’est assez étrange. Bien sûr, on argumente qu’il y a des choses qui changent. Oui il y a toujours eu des choses qui changent. Il y a des changements qui nous sont désagréables, il y a des changements brusques, il y en a, ce ne sont pas les mêmes, il y en a eu, etc. Donc vous pouvez discuter indéfiniment, vous trouverez à chaque moment, à chaque époque, des arguments très justes pour vous dire qu’on est en crise. Mais en fait, ce n’est pas ça qui me sollicite le plus.

Ce qui me sollicite, c’est que par crise, nous entendons un changement que nous trouvons anormal, imprévu. Mais quand je dis qu’un changement est anormal, je dis donc, c’est une crise, je porte un jugement subjectif sur ce qui est normal et sur ce qui ne l’est pas. Donc en fait, dire que l’on est en crise, c’est simplement dire que nous appréhendons mal le changement. Nous comprenons mal le changement parce que quand nous pensons au changement, nous pensons que le changement aujourd’hui doit être le même que le changement d’hier. Ce qui est paradoxal. Par définition, le changement change, c’est dans son ordre d’idée. Donc je vous rassure, nous vivons en crise et nous vivrons encore en crise tous les moments du xxie siècle, chaque jour vous entendrez parler que c’est la crise. Ce qui débouche bien sûr sur une autre idée qui est celle de l’apocalypse. Tout est foutu et dans deux ans nous serons tous morts comme nous l’entendons régulièrement.

Voilà les stratèges et les autres, je voulais interroger ce terme de crise et si ceci vous intéresse, je vous suggère de vous abonner à cette chaîne Youtube où d’ailleurs la question du changement qui change a déjà été abordée. À bientôt.

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