La catastrophique déclaration de Casablanca

 

La catastrophique déclaration de Casablanca

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. Nous sommes en janvier 1943 à Casablanca, plus précisément à Anfa qui est un quartier huppé de Casablanca. Et Roosevelt et Churchill se rencontrent à Casablanca. D’ailleurs Roosevelt invite De Gaulle, ce qui met De Gaulle d’assez mauvaise humeur parce qu’il ne comprend pas pourquoi un président américain l’invite sur un territoire français. Mais là n’est pas l’essentiel ou là où je veux en venir.

À la fin de cette conférence, de cette rencontre de Casablanca, il y a donc une conférence de presse et au cours de la conférence de presse, on demande à Roosevelt quels sont les buts de la guerre. Ça fait un an et quelques que vous faites la guerre et quel est votre but ? Et sans se concerter avec Churchill, sans en avoir parlé avant, Roosevelt dit : « Le but de la guerre est la reddition sans condition de l’Allemagne ». Alors Churchill qui est un fin stratège est catastrophé. Et justement catastrophé. Pourquoi ? Parce que en fait – ils n’en ont pas parlé avant – mais dire cela, c’est faire un fabuleux cadeau à Goebbels et Hitler, à toute la propagande jusqu’au boutiste. Puisque, effectivement, Goebbels va se saisir de cela et dire : « Vous voyez bien qu’il n’y a rien d’autre à faire que la guerre totale, que la guerre à outrance, puisque les Alliés n’ont qu’un objectif, la reddition sans condition de l’Allemagne, la disparition de l’Allemagne, etc.

Un an et demi plus tard, à l’été 44, lorsqu’il va être clair que les Allemands ne peuvent plus gagner la guerre – pour les Allemands aussi – un certain nombre de gens, de généraux, vont dire : « Mais il faut arrêter ça, il faut changer de gouvernement, négocier avec les Alliés, arrêter cette guerre. » Et toutes leurs tentatives, toute leur argumentation sera stoppée par le fait qu’il n’y a rien à négocier puisque les Alliés veulent la reddition sans condition de l’Allemagne. Donc il n’est pas possible de revenir, d’arrêter cette guerre et de négocier.

On estime que cette déclaration catastrophique a prolongé la guerre au moins de dix mois, au moins de l’été 44 jusqu’à mai 45. Il faut savoir que cette guerre a fait en six ans soixante millions de morts, c’est-à-dire environ dix millions par an. Donc vous voyez quel a été le coût humain de cette déclaration si catastrophique et si peu stratégique.

Alors bien sûr Roosevelt a une grande réputation, c’était un politique exceptionnel, il a été élu quatre fois président des États-Unis et il est le seul dans ce cas-là, bien sûr il a libéré l’Europe, il a libéré la France donc nous lui avons une grande dette de reconnaissance. Il n’empêche qu’il a commis une erreur stratégique majeure en l’occurrence et que ce n’est pas tout à fait la même. Qu’est-ce qu’il y a derrière cette histoire-là ? C’est qu’il y a différents niveaux en stratégie, il y a ce que Liddell Hart appelait la « grande stratégie », c’est-à-dire la géopolitique – quels sont les objectifs ? Et il ne faut pas simplement regarder la stratégie au niveau du combat, de l’affrontement, du terrain mais bien réfléchir au but que l’on poursuit. Passer au niveau supérieur. Le niveau supérieur, la grande stratégie, doit surdéterminer le niveau inférieur de la stratégie opérationnelle et du terrain.

Voilà, Mesdames, Messieurs, les stratèges et les autres ce que je voulais dire sur Casablanca et Roosevelt et Churchill et ces circonstances et si ceci vous intéresse, je vous suggère, je fais plus que vous suggérer, je vous prie, je vous supplie, je vous exhorte à vous abonner à cette chaîne Youtube. À bientôt.

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