L’offre et la demande

 

L’offre et la demande

 

Un jour, j’étais dans mon bureau et je reçois un coup de fil d’un chef d’entreprise qui maintenant est assez connu, il s’appelle Jean-François Zobrist. Je ne sais pas si vous l’avez vu sur les estrades. Oui ? À l’époque, il était moins connu. Au téléphone, il me dit : « Bruno – deux heures – est-ce que tu peux m’expliquer la théorie de la baisse tendancielle des taux de profit de Marx ? » De quoi, de quoi ? La théorie de la baisse tendancielle des taux de profit de Marx là, à quatorze heures ? Il me dit : « Fais pas chier, j’ai cinq minutes. » Il parle comme ça. Bon. Je lui explique. Il raccroche. Il me dit : « Je te rappelle. » Bon.

Et je n’en entends plus parler. Et puis l’année suivante, je me trouve à côté de lui sur une estrade. On parlait l’un et l’autre de la décision. Il me dit : « Ah ton truc, c’est génial. » Je lui dis : « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Il me dit : « Oui, j’allais à une réunion chez mon donneur d’ordre, chez Citroën. Et donc il m’a accueilli en me disant – il est sous-traitant de Citroën – pour l’année prochaine, c’est moins quinze pourcents. Et là, je leur ai dit : « Messieurs, vous êtes des marxistes. » Et je suis passé au tableau et je leur ai expliqué la baisse tendancielle des taux de profit de Marx. Ils ont été tellement surpris qu’ils ne m’ont pas mis les moins quinze pourcents. » Il me dit : « Il faut que tu trouves un truc pour l’année prochaine. »

Et je me suis dis : « Mais au fond, cette histoire a un sens. » C’est quoi le sens ? C’est qu’il y a stratégie d’offre et stratégie de demande. La stratégie d’offre : je suis dans la désobéissance par rapport à l’expression de la demande. Donc je vais surprendre, je vais désobéir. Je ne suis pas dans le marketing. Beaucoup de gens me disent : « Bon alors tu fais de la stratégie, tu fais du marketing, des études de marché. » Ben oui, mais si ma stratégie est de suivre la demande, je ferai la même chose que mes concurrents. Donc je serai dans la baisse tendancielle des taux de profit. Donc vous comprenez bien que l’histoire de l’économie, c’est un match entre Marx et l’entrepreneur. Et pour l’instant, le score est de deux à un. Et on n’en est qu’à la mi-temps.

Je veux dire quoi ? C’est que la question qu’on a à se poser, c’est : pourquoi les entreprises étant en concurrence, elles arrivent à restaurer le profit ? Eh bien elles arrivent à restaurer le profit parce qu’elles innovent. C’est-à-dire parce qu’elles désobéissent à l’expression de la demande par des stratégies d’offre. Ça s’appelle l’innovation et ça demande du temps comme le dit ce petit aphorisme de ce personnage inventé qu’est Gracchus Cassar.

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