Stratégie et décision : quelle différence ?

 

 

Stratégie et décision : quelle différence ?

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. Figurez-vous que cette semaine j’étais dans une réunion, une vingtaine de personnes, des gens tout à fait éminents, et j’ai été interpelé par le président de séance qui m’a dit : « Bruno, est-ce que tu pourrais nous expliquer la différence entre la stratégie et la décision ? » Alors j’étais un peu surpris je lui dis : « Tiens, il semblerait qu’il n’y ait pas que moi qui soit intéressé par ce sujet qui me préoccupe depuis longtemps et sur lequel j’ai commis quelques livres. » Voilà alors pour l’essentiel effectivement, c’est quelque chose à bien distinguer et comprendre. La stratégie a des méthodes d’analyse, il y a des chiffres, il y a des concepts, les effets d’échelle, la différenciation, j’en ai souvent parlé sur cette chaîne, qu’on peut analyser. Et donc une stratégie ça peut s’analyser et cette analyse a pour objectif d’objectiver les autres. Alors tout n’est pas complètement objectif bien sûr, mais on s’approche d’une certaine objectivation.

Et la décision c’est quoi ? La décision, c’est la décision de mettre en œuvre la stratégie. C’est de faire, c’est d’y aller. Et là, il faut bien comprendre que la décision, d’abord, ça n’existe pas, comme l’a dit un auteur sur la décision. Pourquoi ? Parce qu’il existe des décideurs et que le décideur, il vit dans un monde réel et multidimensionnel. C’est-à-dire qu’il sait que derrière sa décision, oui il y a de l’analyse, il y a des tentatives d’objectivation, mais il y a aussi des considérations juridiques, des considérations morales, des considérations humaines, des considérations épistémologiques comme le dit Herbert Simon : qu’est-ce que je sais et qu’est-ce que je ne sais pas ? Quelle fiabilité à ce que je sais ? Et puis il y a des considérations émotionnelles, des considérations de désir : j’ai envie, je n’ai pas envie. Toutes ces choses-là s’entremêlent dans la décision. Et voyez-vous, la question, c’est que ça ne s’analyse pas. Pourquoi ? Parce que toutes ces dimensions n’ont pas d’unité de meure commune. Il n’y a pas d’unité de mesure au désir ou au mensonge ou à la morale, il n’y a pas d’unité de mesure avec des choses quantifiables en argent.

Autrement dit, quand je décide, je fais quelque chose que la raison réprouve, c’est de mettre sur un même plan des choses qui par nature n’y sont pas. On a tous appris à l’école qu’il ne fallait pas additionner les choux et les carottes. Pourquoi ? Ça, ça reste un peu mystérieux pour moi mais en tous cas, dans la décision, je vais mélanger, soupeser, comparer des choses qui, par essence, ne doivent pas se comparer. Voilà pourquoi Kierkegaard disait : « L’instant de la décision est un instant de folie. » C’est un instant où je viole la rationalité.

Autrement dit, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la rationalité, la raison, l’objectivation, l’analyse, ne prennent pas les décisions pour nous ; parce que ce sont les décideurs qui prennent les décisions. Alors là, il y a un piège, évidemment, c’est de se dire, eh bien puisque l’analyse et l’information ne prennent pas les décisions, il ne faut pas analyser, il ne faut pas s’informer. Si, justement, il faut analyser, il faut s’informer mais par contre on prend la décision quand on arrêt d’analyser, quand on arrête de s’informer. Il faut s’arrêter de faire ça pour décider parce que on est dans une autre nature de réalité. Voilà le piège c’est : ce n’est pas parce que l’analyse ne prend pas les décisions qu’il ne faut pas analyser. Au contraire, c’est la grande leçon du prix Nobel d’économie Herbert Simon, c’est l’analyse ne prend pas la décision et on décide en arrêtant d’analyser. En fait on décide avec son cœur, avec son émotion. Voilà, donc c’est pour ça que la décision et la stratégie sont deux choses qui ont partie liée puisque la décision c’est le début de la mise en œuvre de la stratégie. Donc elles ont partie liée, mais elles sont de nature essentiellement différentes. Et finalement le bon stratège, le bon dirigeant, il doit savoir faire les deux. C’est-à-dire analyser rationnellement et décider en surpassant, en dépassant l’analyse.

Voilà, les stratèges et les autres ce que je voulais dire sur stratégie et décision, très vieux sujet toujours d’actualité. Il me reste bien sûr à vous inciter à vous abonner à cette chaîne Youtube. Une décision pour laquelle je ne donnerai aucune analyse objective. Mais je l’espère un peu de désir. À bientôt.

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