Connaître son adversaire

 

Connaître son adversaire

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. À l’automne 1917, Ludendorff, le général en chef de l’Allemagne, avec Hindenburg, dans un discours fait une offre de paix qu’il croit généreuse à la France. Que dit Ludendorff ? L’Entente n’a plus aucun espoir de gagner cette guerre. Nous les Allemands, nous ne faisons qu’une guerre défensive contre un ennemi qui a « une monstrueuse volonté d’anéantissement » de l’Allemagne. Et donc les lois éternelles de la guerre disent que lorsque plus personne ne peut gagner, eh bien il faut s’entendre. Ça paraît finalement raisonnable. Et Ludendorff dit : « Je vais faire une offre de paix généreuse. Je me contenterai simplement de quelques rectifications de frontières en Lorraine – ça c’est un bon truc pour mettre les Français de bonne humeur – je me contenterai du Luxembourg et d’un accès à Liège et moyennant quoi effectivement on doit trouver une paix de compromis. »

On sait ce qu’il en est advenu. Évidemment cette offre n’a pas pu être prise au sérieux par les Alliés. Elle a paru arrogante et monstrueuse. Les Allemands du coup ont pensé qu’ils allaient gagner la guerre en mars 1918, puis en mai, puis en juin avec leurs offensives gagnantes. Et puis finalement, ils ont perdu la guerre en vingt-deux jours entre le 18 juillet et le 8 août 1918. Puisque le 18 juillet Foch lance son ordre d’attaque sur l’ensemble du front et le 8 août Hindenburg écrit au Kaiser que la guerre est perdue et qu’il faut négocier.

Alors, que nous dit cette histoire ? Eh bien Ludendorff a fait preuve d’un excessif, d’un extrême manque d’empathie et de compréhension vis-à-vis de son adversaire et de ceux avec qui il veut négocier. Il pense… qu’est-ce qu’il pense Ludendorff ? Il pense que les Français ne sont qu’une nation frivole. C’est ce que les Allemands ont toujours pensé pendant tout le xixe siècle et que donc on va les appâter facilement, qu’ils n’auront pas cette ténacité dans la guerre qui finalement va s’avérer. Et surtout, il ne comprend pas que après trois années de guerre, après un million de morts, aucun gouvernement français ne peut envisager une paix sans récupérer l’Alsace et la Lorraine. Aucun gouvernement français ne peut dire : « On a tué un million de Français mais c’est pour rien, on ne récupérera pas l’Alsace – Lorraine. » Autrement dit la France – comme l’Allemagne d’ailleurs – a fait trop de sacrifices pour accepter une paix de compromis, pour accepter que tout ceci se soit passé pour rien. Donc effectivement Ludendorff va complètement se tromper sur l’adversaire. Il est finalement à l’écoute de lui-même, il négocie avec lui-même. Mais il ne comprend pas du tout les personnes qu’il a en face. Grosse erreur de Ludendorff qui voulait faire la grande Allemagne, qui se pensait comme le restaurateur de l’Allemagne. D’ailleurs il va être ensuite un des fondateurs du parti nazi et quand même candidat à la présidence de la République du parti nazi en 1925, et pourtant Ludendorff va être un des fossoyeurs de l’Allemagne. C’est lui qui va conduire l’Allemagne à la défaite et c’est lui qui va engager l’Allemagne dans une aventure politique désastreuse. Ceci parce que il ne comprenait pas le monde autour de lui.

Voilà, petite leçon de l’histoire. Enfin c’est une petite leçon mais c’est une grande tragédie puisque la Seconde Guerre mondiale a fait soixante millions de morts et la Première plus de dix millions.

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