De Sun Tzu à Steve Jobs : une histoire de la stratégie

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Introduction antinomique

 

 

« À la naissance, le nain est normal. C’est en grandissant qu’il rapetisse. »

Gracchus Cassar

La stratégie est une discipline obscure. Il est difficile de savoir ce qu’elle est, aucune définition complète, consistante et finie ne s’impose. Ses domaines d’application sont également mal définis : la guerre, bien sûr, l’entreprise, sans doute, l’organisation, la géopolitique modèle Mémoires d’Henry Kissinger (4500 pages, toutes intelligentes hélas) – on parle alors de « grande stratégie » – mais aussi choix individuels : il existe des stratégies de vie. Protée qui ne cesse de se métamorphoser – comme le phlogistique au xviiie siècle que Lavoisier renvoya à son néant conceptuel pour fonder la chimie moderne – la stratégie ne finirait-elle pas nulle part à force d’être partout ?

Ce livre qui se donne l’ambition – peut-être ridicule, sûrement écrasante – de parler de l’histoire des ou plutôt de théories stratégiques ne propose donc pas de définition de la stratégie. Concept abscons, on ne le dégagera du brouillard qu’en situation. Prétendre être exhaustif sur cette histoire, ce serait ajouter l’arrogance insupportable – pléonasme – au plus pédant ridicule.

En situation, c’est-à-dire en explicitant quelques paradoxes et antinomies qui sont les molécules de base de la stratégie et à ce titre doivent être analysées plutôt qu’envoyées sous le tapis avec la poussière.

Première antinomie : celle des fins et des moyens. Dès qu’il y a finalité se pose une question stratégique : quels moyens articuler pour atteindre cette finalité ? Comment faire en sorte que ça marche, tout simplement ? Comment réussir plutôt qu’échouer ? La stratégie serait donc articulation des moyens et des fins mais commencerait quand on pose la finalité. Certes, mais il y a bien antinomie, car la vie est faite d’un commerce avec les moyens plutôt qu’avec les fins. Nous passons notre vie à cheminer vers nos objectifs, pas à les atteindre. La stratégie qui se pose comme un réalisme des moyens commence par un saut hors du réel en posant une finalité qui n’est pas encore réelle. […]

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