Je n’aime pas les visionnaires

 

Je n’aime pas les visionnaires

 

Bonjour les stratèges et les autres. Figurez-vous que quand je parle de stratégie, j’ai trouvé un moyen assez efficace de me faire détester de mon auditoire en trente secondes. Je dis que je n’apprécie pas, que je ne crois pas beaucoup à l’approche stratégique à partir de la vision. Ce disant, je vais à l’encontre d’une espèce d’idée reçue, d’une évidence c’est que pour faire de la stratégie il faut avoir une vision. Eh bien je me méfie beaucoup de cela parce que j’ai vu beaucoup de gens rater à cause de cela. D’ailleurs la réponse qu’on me fait toujours, immédiatement, quand je dis ça, c’est : « Et Steve Jobs ». J’ai l’air de ne pas aimer Steve Jobs ou de ne pas le prendre pour un grand dirigeant. Si je le prends pour un grand dirigeant. De là à en faire une religion avec ses prophètes et son Évangile, il y a un pas.

Remarques sur Steve Jobs : certes il a fait des choses extraordinaires mais il a quand même conduit deux fois Apple au bord de la faillite, une fois d’ailleurs quasiment en faillite. Certes il a fait des choses extraordinaires mais hélas c’est depuis qu’il a disparu que l’entreprise a gagné le plus d’argent, et de très loin. Certes il a fait des choses extraordinaires mais on ne peut pas en tirer de loi générale parce que lui-même était extraordinaire. Des Steve Jobs, il y en a un par génération et il se trouve que je suis né la même année que lui. Donc il ne faut pas se prendre pour lui pour autant. La place est prise.

Non, ce que je veux dire, c’est que l’approche visionnaire a le risque de se détacher de la réalité, de croire que ma vision va être plus forte que les contraintes. Alors que la stratégie, c’est l’exercice de la liberté dans un jeu de contraintes. Donc cela suppose de bien comprendre les contraintes. Y compris pour les contester, pour les renverser dans certains cas, pour aller à l’encontre peut-être. Pour innover et innover c’est toujours un acte de rébellion. Néanmoins, pour réussir une rébellion, encore faut-il bien connaître réellement ce contre quoi on va se rebeller. Donc je ne dis pas que la vision ne sert à rien en stratégie, mais après une approche réaliste du champ de contrainte dans lequel on agit. Et je sais bien que ce disant, je conteste une croyance assez dominante.

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