La disruption est-elle une connerie ?

 

La disruption est-elle une connerie ?

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. Alors j’entendais récemment une dame qui dirige une entreprise qui est en bonne croissance, qui a une très bonne rentabilité, qui a un business model tout à fait éprouvé et elle s’adressait à ses troupes et elle a dit : « Voilà ce qu’on va faire, on va faire péter le modèle. On va faire de la disruption. » Et il y avait un certain nombre de personnes dans la salle qui étaient béates d’admiration devant un discours aussi ouvert à l’innovation. Je dois dire que ceci, ce discours, m’a laissé perplexe.

Alors pourquoi perplexe ? Je vois bien que le mot « disruption » qui est finalement l’avatar du mot « innovation » ça fait plaisir, ça fait intelligent, c’est une belle posture mais qu’est-ce qu’il y a derrière ? Alors ce qu’il y a derrière, effectivement, on le sait tous, c’est des entreprises qui sont devenues des leaders mondiaux – les fameux Gafa – qui ont fait une disruption. D’où l’idée que la disruption ce serait le crime parfait de la stratégie, la martingale absolue. Oui mais attention. Il y a un biais cognitif. C’est qu’on connaît les quelques entreprises qui ont eu des grands succès avec la disruption, et on oublie les milliers, les dizaines de milliers, les centaines de milliers, les millions d’entreprises qui se sont plantées avec la disruption. Autrement dit, la disruption n’est pas la martingale stratégique et le critère de succès, c’est souvent quelque chose qui vous fait échouer.

Alors pourquoi ? Eh bien parce que dans la stratégie, il faut d’abord regarder ce qui marche, ce qui a marché, le respecter, le développer, le faire marcher mieux. Avant de le casser. L’objet de la stratégie, ce n’est pas de casser ce qui marche, ce n’est pas de faire marcher moins bien ce qui marche, c’est de le faire marcher mieux et d’en tirer un certain nombre de leçons. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas innover, ça ne veut pas dire qu’on ne veut pas tenter de nouvelles choses. Mais parfois c’est à côté en utilisant les ressources qu’ont dégagées ce qui marche bien. Et dans ce mot disruption, j’entends quelque chose qui est de l’ordre de la posture. C’est-à-dire qu’on veut avoir l’air plus intelligent que les autres en disant que ce qu’ils ont fait ce n’était pas si intelligent que ça et qu’on a une idée tout à fait nouvelle. Ce que l’écrivain Tourgueniev, l’écrivain russe, appelait « le lieu commun à l’envers ». Quand je dis… si je dis : « Il n’y a pas que de la misère chez les riches », ça a l’air très malin parce que c’est un lieu commun à l’envers. Voilà. Et j’ai remarqué que face au mot « disruption », mais c’est pareil avec le mot « innovation », on perd un peu son esprit critique. Quelle que soit la beauté des mots et la beauté de la posture, regardons toujours les choses avec esprit critique, en étant factuel pour faire des innovations je dirais raisonnables, à bon escient et qui ont des chances de réussite.

Voilà les stratèges et les autres ce que je voulais, le coup de gueule que je voulais émettre sur cette question de disruption. Et il me reste à vous inviter, bien sûr, si ceci vous intéresse à vous abonner à cette chaîne Youtube dont l’objectif n’est pas d’être disruptive mais plutôt constructive. À bientôt.

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