Le génie de la TVA

 

 

Le génie de la TVA

 

Bonjour les stratèges et les autres. Une fois n’est pas coutume, je vais dire du bien d’un impôt et de l’administration française. En mai 1954, l’administration française a lancé un nouvel impôt qui s’appelle la TVA. Et ma thèse, c’est que la TVA est un impôt génial qui a eu un grand impact sur l’économie, le développement et les stratégies des entreprises. De quoi s’agit-il ?

Autrefois, on taxait les entreprises sur leur chiffre d’affaires. Ce qui était une sombre connerie et une sombre catastrophe. Pourquoi ? Parce que une entreprise qui fait des voitures par exemple, doit mettre des pneus. Et elle a le choix entre produire les pneus et les acheter à une entreprise qui fait des pneus. Si vous taxez l’entreprise sur le chiffre d’affaires et si le fabricant de voitures achète ses pneus, ça veut dire que le pneu sera taxé deux fois. Dans son chiffre d’affaires et dans le chiffre d’affaires du fabricant de pneus. Alors que s’il le fait lui-même, il ne sera taxé qu’une fois. Autrement dit, cet impôt n’est pas neutre par rapport à cette décision stratégique d’acheter ou de faire soi-même. Donc c’est un impôt qui conduit à des filières intégrées. Dans les années quarante – cinquante, enfin avant la TVA, une entreprise automobile faisait, produisait 80 % de la valeur de l’automobile. Alors qu’aujourd’hui on est plutôt dans des… entre 20 et 30 %.

 

Alors qu’est-ce qu’a permis la TVA ? La TVA ça a été conçue donc par l’administration française, c’est de dire : « Nous allons mettre un impôt qui est neutre par rapport à cette décision de faire soi-même ou de sous-traiter. » Il ne faut pas que la décision soit prise pour des raisons fiscales, il faut qu’elle soit prise pour des raisons stratégiques parce que c’est une décision stratégique.

Qu’est-ce qui s’est passé ? Ça a permis évidemment de découper et de désintégrer beaucoup plus les filières dans leur verticalité donc de faire jouer beaucoup plus les effets d’échelle au niveau de chaque stade de valeur ajoutée. Autrement dit, l’entreprise qui fait des pneus – Michelin en l’occurrence – fait des pneus pour tous les constructeurs, pour beaucoup de constructeurs, et peut faire jouer les effets d’échelle ; alors que si l’entreprise intègre sa fabrication de pneus elle fera moins jouer les effets d’échelle.

Ceci a eu deux conséquences. Faisant plus jouer les effets d’échelle à chaque stade de valeur ajoutée, eh bien du coup, on a fait des gains de productivité très importants. Vous remarquerez que la TVA est concomitante avec ce que l’on appelle « les Trente Glorieuses » c’est-à-dire, à partir de 1954 jusqu’à, disons, au début des années soixante-dix, hein les Trente Glorieuses ayant duré moins, eh bien les gains de productivité sont plus importants qu’ils n’ont jamais étés dans les pays développés. Et d’ailleurs les autres pays ont tous… les autres pays développés ont tous adopté la TVA, alors que d’habitude, ils ne sont pas très pressés d’imiter les idées fiscales et néanmoins géniales de l’administration française.

Deuxième conséquence : eh bien on a désintégré les filières dans leur verticalité – c’est-à-dire qu’il y a beaucoup plus de PME et d’entreprises qu’il y en aurait, qu’il y en avait du temps des filières verticales. Et donc nous vivons, contrairement à ce que croit tout le monde, dans un univers économique qui se déconcentre. Je veux dire quoi, dans les pays développés qui ont la TVA, la part de valeur ajoutée produite par les PME est plus importante qu’elle n’était il y a trente, quarante ou cinquante ans. En fait, même si nous voyons des concentrations horizontales, il y a de telles déconcentrations verticales que nous vivons dans un univers économique qui se déconcentre.

Vive la TVA qui est un impôt absolument génial par l’impact sur les stratégies et l’impact qu’il a eu sur l’économie. Voilà les stratèges et les autres cet exercice inhabituel de faire la promotion d’un impôt. Il ne vous reste plus que à vous abonner à cette chaîne Youtube puisque elle est tout à fait hors taxes. À bientôt.

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