Le mystère Foch

 

Le mystère Foch

 

 

Il y a un mystère Foch. Foch, Ferdinand Foch, général en chef interalliés à partir d’avril 1918. Et en 1918, au printemps 1918, il y a deux considérations assez peu optimistes sur la guerre. La première, c’est qu’on estime que c’est une guerre d’usure qui devrait se prolonger jusqu’en 1930 et la deuxième c’est qu’en mars, mai et juin 1918, les Allemands font trois offensives qui ne leur permettent certes pas tout à fait de gagner la guerre mais qui les ramènent sur la Marne, qui leur font des avancées de soixante kilomètres. Donc la situation est mauvaise, on peut dire tragiquement mauvaise.

Alors qu’est-ce que fait Foch ? Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, il lance son ordre d’attaque sur tout le front. Pour la petite histoire, Pétain qui commande les troupes françaises, annule les ordres dans la nuit et Foch les rétablit. Ce qui fait que quand on dit que Pétain a gagné la guerre, certes c’est vrai, mais il a gagné la guerre parce qu’on a inversé ses ordres. Il a gagné la guerre un peu malgré lui. Le 16 juillet, les Allemands ont lancé une ultime offensive qui n’a pas abouti. Et Foch donc va lancer une stratégie tout à fait inédite, puisque la stratégie traditionnelle c’était d’attaquer de façon massive en un point massif – là il attaque à plusieurs endroits donc ces attaques ne sont pas massives. Elles sont nombreuses. Et par ailleurs, il a compris que les Allemands s’étant beaucoup avancés, n’étaient pas bien stables sur des positions défensives.

Donc on est le 18 juillet 1918 quand il fait ce coup que tout le monde considère comme complètement fou et stupide et hors règles. Ce même jour d’ailleurs, le 18 juillet 1918, est né Nelson Mandela. Le 8 août 1918, vingt-deux jours après, Hindenburg écrit au Kaiser que la guerre est perdue et qu’il faut négocier. Donc cette guerre que l’on ne pouvait gagner que par des attaques massives, cette guerre qui devait encore durer au moins plus de dix ans, a été gagnée en vingt-deux jours par Foch. Par des attaques qui n’étaient pas massives, qui n’étaient pas destinées à percer le front.

Hein, l’idée qu’il y avait avant c’était : si on perce le front, on gagne la guerre. Au printemps 1918, les Allemands ont percé le front et ils ont perdu la guerre. Donc on voit que par cet événement, toutes le croyances qu’on a sur la guerre ont été infirmées. Le mystère Foch, c’est que Foch est le seul, le premier à l’avoir compris. Où a-t-il pris cette idée ? Parce que ce qu’il a fait en 1918, c’était l’inverse de ce qu’il avait fait avant. Jusque-là, en 1914, 1916, ses états de service ne sont pas si mirobolants. Donc vous voyez, le mystère Foch, c’est que Foch était quelqu’un de profondément intelligent en stratégie. Il a interrogé les dogmes quand ces dogmes échouaient sur le mur de la réalité. Et il a su remettre en question ses idées, tous ses dogmes, tous ses a priori, pour créer une nouvelle stratégie qui d’ailleurs ensuite va être développée dans les années Trente et Quarante.

Donc voilà, le mystère Foch, c’est simplement le mystère de l’intelligence qui met l’intelligence au-dessus de la stratégie au lieu de mettre la stratégie au-dessus de l’intelligence. C’est-à-dire qui conçoit sa stratégie avec intelligence et non pas son intelligence avec sa stratégie. Le mystère Foch : un grand homme.

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd’hui sur une histoire qui certes a un siècle mais est pleine de leçons.

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