L’intuition en stratégie

 

L’intuition en stratégie

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. Quel rôle pour l’intuition en stratégie ? Voilà une question à laquelle je voudrais apporter une réponse plus analytique qu’intuitive. Et surtout quel rôle de l’intuition par rapport au rôle de l’analyse ?

Alors vous savez, moi, j’adore l’analyse stratégique mais c’est vrai que c’est un exercice qui demande une certaine modestie puisque je rencontre un chef d’entreprise. S’il se pose des questions stratégiques il me fait part de ses doutes, mais il y a quand même une question fondamentale, c’est que lui il connaît son marché depuis dix ans, vingt ans, moi je ne le connais pas, il connaît ce que font ses concurrents, moi je ne le sais pas, il connaît ses produits, je ne les connais pas, il connaît les process de l’entreprise et je ne les connais pas. Donc j’ai tendance à me dire : avec tout ça… et en plus il a l’air vraiment très doué et intelligent. Donc je me dis : avec tout ça il doit mieux savoir que moi et il doit avoir des intuitions de ce qu’il doit faire. Et effectivement, il a des intuitions de la stratégie, et d’ailleurs s’il dirige l’entreprise depuis cinq ans ou dix ans, il a bien mis en œuvre de fait une stratégie et si l’entrepris est là et qu’elle a survécu, c’est que cette stratégie ne doit pas être mauvaise. Bon.

Donc effectivement les dirigeants d’entreprise ont des intuitions stratégiques, souvent c’est comme ça qu’ils ont fait leur stratégie, et ils ont plutôt réussi, donc il faut le connaître et le respecter. Alors vous me direz : « Ben alors quel rôle de l’analyse par rapport à ça ? ». Eh bien l’intuition a deux inconvénients, deux… inconvénients… deux limites.

La première, c’est que les intuitions c’est un mode de rapport au réel qui est assez peu explicite, donc j’ai des intuitions mais je ne sais pas bien expliquer pourquoi. Et donc je tourne mes intuitions dans ma tête, le problème c’est quand il se passe sur le marché, dans mon environnement économique, un phénomène qui est contraire à mes intuitions. Or le monde économique change vite et parfois a des bouleversements brusques, des crises. Donc il s’est passé tel truc, jamais je n’aurais cru que ça se serait passé et donc c’est contraire à mon intuition. Donc là mon intuition, j’en perçois les limites et j’ai même l’impression qu’elle est mise en échec. Donc il faut que je change d’intuition et c’est là que je ne sais pas faire parce que l’intuition, je suis tout seul et comme je ne sais pas l’expliciter, je ne sais pas la dépasser. Au fond l’inconvénient de l’intuition c’est qu’à force de faire de la stratégie tout seul, on fait toujours la même, parce qu’on ne sait pas dialoguer bien avec les autres de ses intuitions.

La deuxième c’est que l’intuition est un mode qui s’apparente parfois à la croyance et que ce n’est pas toujours relié au réel. Des fois des gens me disent : « Non mais sur mon marché ça se passe comme ça. » Et quand je leur dis : « Mais quels sont les faits observables qui vous disent que ça se passe comme ça ? » on s’aperçoit que ce n’est pas très lié. Voilà, je le crois pour d’autres raisons, parce que j’ai ce type de croyance, parce que j’ai ce type de valeur, parce que ceci, cela. Donc j’ai toujours cru que l’innovation c’était important. Oui mais est-ce que c’est ce que vous observez dans la réalité ? Non, c’est ce que je crois. Bon, oui.

Donc l’intuition a ses limites et c’est là que on peut passer à l’analyse. Et l’analyse c’est tout à fait différent, c’est extérieur à l’intuition, c’est un mode de rapport au réel qui est empreint de logique et de réalisme ; c’est-à-dire j’essaie de relier aux faits réels. Je ne suis pas en train de vous dire que je considère de façon absolue que l’analyse est supérieure à l’intuition. Je pense que sa principale vertu c’est déjà d’être extérieure à l’intuition. C’est-à-dire de vous aider à sortir de vos intuitions pour se dire : « Et si je regardais le monde autrement, et si j’allais vers d’autres intuitions. » Et en fait souvent je m’aperçois que mon travail est dans un dialogue entre l’analyse et l’intuition. Non pas que l’analyse doive mépriser l’intuition et que l’intuition doive mépriser l’analyse mais plutôt de les faire échanger sur les points où elles vont être dans une certaine discordance.

Voilà ce que je voulais vous dire sur le rôle de l’intuition par rapport à l’analyse, messieurs, mesdames, mesdemoiselles les stratèges et les autres. Et il me reste à vous inviter à vous abonner à cette chaîne Youtube plus empreinte d’analyse que d’intuition. Enfin il me semble. À bientôt.

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