La fidélisation forcée

La fidélisation forcée

 

Bonjour les stratèges et les autres. Un jour je travaillais pour un groupe de presse. Alors le métier des groupes de presse c’est qu’on édite des journaux, qu’on essaie de les vendre, ce n’est jamais très facile et on a évidemment un gros coût fixe qui est la réalisation et l’impression du journal. Donc il est important d’avoir beaucoup d’abonnés. Donc grosso modo la rentabilité de ce groupe de presse se jouait sur – comme beaucoup d’ailleurs – le nombre d’abonnés nouveaux et le nombre de désabonnements. Et figurez-vous que le taux de désabonnements était de 25 %. C’est-à-dire que chaque année on envoie un coupon pour se réabonner et 75 % des gens à qui on envoyait ce coupon pour se réabonner renouvelaient leur abonnement et 25 % ne le renouvelaient pas. Le dirigeant avait l’impression d’essayer toujours d’avoir de nouveaux abonnés mais qu’il remplissait une baignoire qui se vidait et donc toujours à regarder s’il arrivait à la remplir plus vite ou moins vite qu’elle se vidait. Mais c’était vraiment très gênant qu’elle se vide à ce rythme.

Alors dans sa stratégie, bien sûr, il y avait comment je fais pour acquérir de nouveaux abonnés, ça coûte de l’argent etc. Mais petit détail, c’est que parmi ces abonnés il y en avait – alors c’est une histoire qui n’est pas tout à fait récente donc ça se faisait moins – qui étaient en prélèvement automatique. C’est-à-dire qu’on leur prélevait de l’argent tous les mois ou tous les six mois ou tous les ans, je ne sais plus, sur leur compte en banque. Et je lui avais demandé, suggéré, de mesurer sur les gens qui étaient en prélèvement automatique le pourcentage qui se désabonnait par an. Et ce pourcentage était de 5 %, dans l’autre cas il était de 25 %. Ce qui veut dire que son taux de désabonnement était divisé par cinq. Alors c’était quoi cette stratégie toute bête ? C’est ce qu’on appelle techniquement le coût de transfert et qu’on peut appeler l’art de la fidélisation forcée, enfin plus ou moins forcée. Ce sont des petites stratégies qui consistent à rendre un peu plus compliqué, voir parfois dans certains cas coûteuse la rupture de la relation commerciale pour le client. Et donc là ce n’était pas seulement remplir la baignoire plus vite, mais c’était éviter qu’elle se vide trop vite.

Ce sont des stratégies que l’on voit parce qu’elles ont un certain intérêt. Elles fonctionnent plutôt bien. Donc qu’est-ce que je peux faire pour que mes clients ne me quittent pas ? Donc tout ce qui est formule d’abonnement… Vous remarquerez qu’on préfère toujours vous vendre des abonnements à des chaînes de télévision plutôt que de vous les revendre comme ça. Donc les formules d’abonnement, les banques, les assurances, tout un tas d’activités finalement fonctionnent un peu par tacite reconduction et ont cet avantage, ont construit ce coût de transfert.

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