L’indéfinitude

 

L’indéfinitude

 

J’ai participé il y a vingt-cinq ans à la création des clubs apm, qui sont des clubs de patrons et d’ailleurs j’en anime un cet après-midi ici. Et en fait, il s’agit de faire progresser des patrons sur leur management. Et on s’est aperçu que contrairement à tous les standards de la pédagogie, on ne savait pas à qui on s’adressait. C’est-à-dire que les gens n’en étaient pas tous au même point. Ils n’avaient pas tous les mêmes acquis, etc. Donc on ne savait pas d’où on partait.

On ne savait pas où on allait. Parce qu’en fait, on n’avait pas défini : « Voilà le standard du bon management auquel on va vous former et puis on va vous estampiller. » Donc on ne savait pas d’où on partait et  on ne savait pas où on arrivait. Et entretemps, on ne savait pas ce qui se passait. C’est-à-dire qu’on confrontait les gens à des échanges d’expérience, à des experts, etc. Mais l’effet sur eux de ces temps-là n’était pas un lien causal assuré, hypothético-déductif. C’est-à-dire que vous ne savez pas, quand vous parlez à quelqu’un et que vous expliquez, ce que la personne va en faire. Est-ce qu’elle va le croire, est-ce qu’elle ne va pas le croire ? Est-ce qu’elle va en faire quelque chose, est-ce qu’elle ne va pas en faire quelque chose ? Est-ce qu’elle va probablement en faire quelque-chose de différent de ce que vous imaginez ? Etc. Comme disait Alan Greenspan : « Si vous m’avez bien compris, c’est que je n’ai pas été clair. »

De toute façon, la personne qui vous écoute, si elle en fait quelque chose, c’est toujours un détournement par rapport à votre intention. C’est toujours autre chose que ce que vous aviez imaginé. Donc on ne savait pas d’où on partait, on ne savait pas où on allait et on ne savait pas comment ça se passait. Et en fait, les gens au bout de trois ans, cinq ans nous disaient : « C’est formidable, ce que j’ai changé, ce que ça m’a aidé. » Et on n’a jamais pu en savoir plus.

Je me suis dis dans la pédagogie, il y a quelque chose, effectivement, d’indéfini. Vous ne savez pas exactement ce que des gens, comment ils vont accueillir ce qu’on leur apporte. Parce qu’ils vont le reconstruire avec leurs représentations. Vous ne savez pas le lien causal entre ce que vous faites en termes de pédagogie et la façon dont c’est reçu et utilisé. Et vous ne savez pas forcément le but que vous voulez atteindre. Et ça vaut mieux d’ailleurs parce que ce n’est pas celui-là que vous atteindrez, c’est un autre.

Donc c’est quand même assez indéfini. Pour ceux qui ont été confronté à l’éducation d’enfants, il y a quelque chose de cet ordre-là. On se dit tous : « Mais voilà, un jour, il y a notre père, notre mère ou un prof qui nous a dit une phrase qui a complètement changé notre… ». Mais bien évidemment, la personne qui l’a dite au moment où elle l’a dite ne se rendait pas compte que ça aurait un impact et que ça vivrait, etc. Donc on n’est pas dans un schéma, me semble-t-il, très déterministe.

Alors, ce que l’on sait en tous cas, et mon ami Steve Fielh qui est au fond de la salle va accueillir ça comme un chausson aux pommes dans son estomac, c’est qu’il faut varier les médias.

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